Je souhaite tout d’abord replacer ce rapport dans un contexte RH général qui me semble assez délétère. Alors que certains services souffrent, qu’on observe depuis des années des embauches de complaisance, que le climat général dans le personnel n’est pas bon, votre politique rude aggrave encore les difficultés présentes. Et tout cela s’inscrit dans un système général de brutalité, de pressions qui fait que beaucoup n’osent pas protester par crainte de représailles – les exemples de mise au placard, de déplacement d’un service à un autre ne manquent pas. Ce dispositif renforce encore cette gestion autoritaire et cela m’inquiète, car cela me semble contraire aux conditions qui permettraient un bon fonctionnement des services publics et une ambiance propice à la motivation des agents. Car il se fonde sur des dispositions légales certes, mais la façon dont il est utilisé est, elle, discutable.
Voici les points qui sont selon nous très problématiques.
- La part variable de l’IFSE.
Comment en effet apprécier la capacité à exploiter l’expérience acquise ? Elle dépend évidemment de l’environnement de travail, de l’équipe de l’agent, de contraintes extérieures qui permettent ou non l’atteinte des objectifs. Comment juger de l’enrichissement du parcours de formation ? Que fait-on si un agent se voit refuser sa formation, soit par son supérieur hiérarchique, soit parce qu’il n’y a pas de place pour lui ? Il en est de même pour l’implication dans la carrière : la préparation des examens dépend de l’accompagnement possible mais aussi des nécessités de service. J’ai vu plusieurs fois à la bibliothèque des agents ne pas aller en formation ou en préparation d’examens car le planning était trop tendu… Ou qu’ils savaient que malgré l’obtention d’un examen pro, ils n’évolueraient pas – on a beaucoup d’exemples d’agents dans ce cas-là.
Qu’est-ce qui est proposé pour éviter cela, c’est-à-dire pour être clair, des appréciations à la tête du client ? Les agents sont-ils bien conscients qu’ils doivent signaler ce type de choses lors de leurs entretiens d’évaluation ? Quel suivi est proposé ?
- Le CIA
C’est encore plus net concernant le CIA. Ce dispositif est à double tranchant, car tout en apparaissant comme une récompense au mérite, il force à mettre les agents en concurrence, en étant soumis à une appréciation subjective, malgré la tentative de proposer des critères. Je crains que cela ne pose de nombreux problèmes.
Afin d’y voir plus clair je vous ai demandé en amont des informations sur les CIA versés ces dernières années, et je renouvelle mes demandes ici. Nous devons savoir combien d’agents, dans quels services, pour quels montants, pour quelles actions ont bénéficié du CIA ces dernières années.
Mais ici, c’est le principe même d’une gratification au mérite qui me pose un gros problème. Cela traduit une vision de la société dans laquelle c’est la recherche de la performance individuelle qui est priorisée, au détriment du travail d’équipe qui est pourtant ce que nous devons développer, et qui est déjà le cœur de la fonction publique. La méritocratie, c’est une machine à générer des inégalités : l’idéal méritocratique suggère que chacun joue d’égal à égal, et que chacun est donc responsable de sa réussite et de son échec. On sait bien que ce n’est pas vrai et que de nombreux facteurs extérieurs interviennent à ce sujet. Il serait trop long de développer ici, je vous conseille de lire le livre très intéressant de Michaël Sandel « Les perdants de la méritocratie ».
Pourquoi ne pas choisir de ne pas utiliser le CIA, et d’utiliser les sommes correspondantes pour faciliter l’avancement et la promotion des agents ? Cela serait nettement plus pérenne et juste.
- La suppression du régime indemnitaire en cas de maladie
Mais le plus gros problème, qui explique que nous voterons contre ce rapport, c’est la suppression du régime indemnitaire en cas de longue maladie. C’était déjà le cas depuis 2016, mais c’est toujours aussi anormal. C’est une disposition tout à fait scandaleuse, injuste et qui s’inscrit dans un mouvement général de privation des agents de leurs droits, particulièrement marqué depuis le début de ce second mandat.
En effet, les agents qui auront la mauvaise idée d’attraper une maladie grave, voire comme on l’a vu récemment une forme longue du COVID, subiront une double peine. Plus ni les primes habituelles, ni la prime de fin d’année, qu’ils auraient touchée si elle était encore annualisée… c’est évidemment inacceptable. Et qu’en sera-t-il d’un agent dont la maladie de plus de 30 jours finit par être considérée comme une maladie professionnelle, parfois longtemps après ? Qu’en est-il de l’impact sur les retraites, puisque les primes sont prises en compte pour la retraite complémentaire ? C’est donc la double, voire la triple peine. De plus, je doute que cette situation concerne beaucoup d’agents : ce ne peut donc pas être pour des raisons économiques que ce choix a été fait.
Nous espérons donc que ces enjeux pourront être pris en compte.